Je reçois parfois des questions sur mon mail. Je vous propose de publier ici mes réponses. J'imagine que cela peut servir à tous.
Othmane m'a demandé :
C'est au sujet de la modernité de Médée par Anouilh. Je me demandais :en fait est ce que la modernité de Médée se justifie par un personnage plus vivant et qui a des sentiments ? Puis est ce que le fait de refuser un destin peut être abordé dans la plupart des questions sur la modernité des personnages en général .
Ma réponse :
Pour Médée:
- Euripide, en son temps, fait déjà figure de moderne en mettant en scène les passions du personnage. C'est d'une étonnante modernité en ce sens. Si l'on compare avec Eschyle qui écrit un peu avant lui, la différence est très grande. Eschyle met en scène principalement le politique et son style est très froid, un peu héraldique. Euripide reçut de nombreuses critiques dans cette mise en scène de l'intériorité, du fonctionnement des passions.
En cela, Anouilh n'invente donc rien.
- la modernité d'Anouilh se situe à partir de plusieurs éléments:
> l'écriture en prose (ce n'est pas tout à fait neuf, mais cela l'éloigne radicalement de Corneille ou d'Euripide). Dans la tragédie classique, seul le vers (l'alexandrin pour le XVIIème) est utilisé (il s'agit de dire la majesté du genre). L'emploi d'un langage simple et courant est aussi moderne.
> l'interprétation historique de Médée : c'est le III de notre lecture analytique, la transposition possible avec les enjeux de la 2nde guerre mondiale. Chez Euripide, Jason est critiqué pour deux choses : l'abandon de Médée et la démesure de son amour pour le pouvoir. Anouilh reprend cela : il s'agit de travailler sur la conquête (allemande) et sur la mère (figure de la France) qui tue ses enfants (et qui participe, collabore en cela au chaos de cette époque).
> la mise en scène des codes de la tragédie : c'est la tendance du XXème sicèle : le théâtre exhibe ses propres codes (le destin, la fatalité, etc). Et pour le coup Médée est moderne en montrant ces mécanismes et en se décrivant humainement (par le récit de son enfance, par le fait que ses sentiments sont à l'opposé de ce que nous connaissons traditionnellement de Médée : la violence, la folie, la démesure). La dénonciation de son destin est donc moderne en effet, son humanité aussi.
mardi 16 février 2010
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