Afin de vous aider dans la lecture de ce recueil, je vous présente quelques enjeux ainsi que la structure de l’œuvre.
(à partir des articles d’Evelyne Marmonnier publiés dans L’Ecole des Lettres en 1994-1995)
Eléments d’introduction
> La négritude de Césaire est différente de celle de Senghor : il est dans une conception combattante. Opposition radicale à l’assimilation. Sa négritude est une revendication de son altérité nègre. Il lutte pour la reconnaissance et la dignité (résurrection du nègre).
> 1934-8 (genèse du Cahier d’un retour au pays natal) sont des années de rupture pour Césaire :
- Césaire traverse une crise morale et spirituelle consécutive à la découverte de sa négritude (en France, par l’altérité).
- déchirement culturel : remise en cause de la culture européenne + coupé de ses racines antillaises (il étudie en France).
⇨ Cahier d’un retour au pays natal – participe de la quête de la négritude
> sa négritude en termes esthétiques : quête d’une écriture proprement nègre, inédite => refus du doudouisme (cliché de l’Antillais par une certaine littérature) et du classicisme : « tout briser, créer de toutes pièces une littérature antillaise. Ce qui supposait une violence de cannibale ».
(il s’agit de trouver une nouvelle langue = dimension prométhéenne de sa poésie - ex néologismes)
Structure du recueil
Ce recueil illustre le drame de la négritude (tension et conflit) :
> premier mouvement : (p.7-20) : pôle négatif : chute et écrasement du peuple antillais, et du récitant. Le récitant revient aux Antilles, hurle contre les Antillais qui acceptent l’écrasement et l’aliénation (p7), décrit la misère des Antilles, de son passé (individuel et collectif). L’esthétique du cri.
> deuxième mouvement - pivot (p20-44) ; double rupture :
- rejet définitif des valeurs occidentales
- et acceptation de sa négritude (qui passe par l’apprentissage de secrets qui lient le nègre au cosmos – p21 et des mots : le poète accepte son rôle – de la voix-cri, à la bouche qui dit le passé collectif - identification à l’histoire noire, à la soumission comme à la révolte avec la figure de Toussaint Louverture)
> 3ème mouvement : inversion des valeurs (« sale bout de petit matin » > « tiède petit matin ») : peut se dire la « prière virile » du Je rendu à lui-même, c’est-à-dire à la négritude.
Cela passe par une sorte de descente aux enfers, en soi et dans l’histoire nègre, passe par la revendication (« j’accepte ») de l’immonde (selon l’Européen) en lui (les clichés violents, acceptés et associés à la misère et à la souffrance), par le rejet radicale de la culture européenne
> final : célébration de la genèse d’un nouveau monde (« Et nous sommes debout » p.57) :
- revendication de son existence
- regard sur son pays, écrasement de la vieille négritude, de la figure du « bon nègre »
- les esclaves se lèvent et les négriers éclatent.
=> libération.
=> l’espace du recueil :
- mime une insurrection à dimension individuelle et collective (le récitant ne se dissocie pas de son peuple, l’homme ne se dissocie pas de son cri)
- est le lieu de son incarnation : fait vivre la négritude
=> négritude combattante et poétique
> La quête d’une langue :
- Il s’agit, pour Césaire, de trouver une langue tout au long de son recueil.
- Le début = silence (8, 9) : attente de l’Orphée noir.
- recherche d’une langue va de pair avec une quête d’identité (souhait, p.27, réalisation, p. 63) : quand il devient poète, ses mots deviennent ceux de la négritude.
- le travail poétique est celui de l’alchimie (néologismes…).
- Folie flamboyante et poétique : désintégration et recréation de la lg française (négraille, négritude), étrangeté du mot rare, syntaxe explosive, oralité, chaos, destruction de la phrase classique => la syntaxe inventée est celle du cri (expressive et fluctuante)
- Les enjeux de la création d’une langue : rupture avec le modèle français (sur le plan culturel et politique) : de 1635 à 1946 : règne du français aux Antilles, aliénation culturel (vide du créole) .
Césaire fait de la langue de l’autre une langue autre (révolution : retourne les armes), la langue française devient son « arme miraculeuse » qui lui rend son identité.
Hermétisme : quelle meilleure victoire sur l’oppresseur que de lui rendre sa propre langue obscure ?
lundi 21 février 2011
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